Gériatrie, soins palliatifs - Michel Cavey

Pratiquer la médecine gériatrique, c’est se confronter tous les jours avec des humains qui vivent leurs derniers temps. On ne peut pas faire ce métier sans se questionner, non seulement sur la mort mais plus largement sur le sens même de l’existence.
Que valent ces réflexions ? Je ne sais pas. En voici quelques-unes, juste pour les partager.

Actualités

  • La critique de "L’euthanasie" dans la revue "Médecine Palliative"

    Dans sa livraison de décembre 2005 la revue "Médecine Palliative" a publié sa critique de "L’euthanasie".

    Ecrire un livre sur un sujet déjà bien défriché est une entreprise angoissante : et si ce qu’on a écrit était tout simplement faux, dépassé, ridicule ?

    C’est donc un grand réconfort que de se voir ainsi validé par ses pairs.

    Cet ouvrage est l’aboutissement d’une longue et profonde réflexion menée par son auteur, gériatre et exerçant régulièrement en soins palliatifs. L’intérêt de cet ouvrage est qu’il aborde la question de l’euthanasie, sans passion, sans a priori, sans tomber les sempiternelles arguties que l’on nous ressasse depuis si longtemps et qui nous empêchent de réellement réfléchir à cette question essentielle.

    Il ne s’agit pas d’un ouvrage philosophique, ni d’un livre médical. Mais, au contraire, et c’est tout son intérêt, c’est un véritable essai sur la question. Certes on pourrait discuter, ici ou là, l’argumentaire, regretter que tel ou tel aspect ne soit pas plus approfondi. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit très probablement d’un des meilleurs ouvrages sur cette difficile question de l’euthanasie. L’auteur nous prouve que l’on peut aborder cette question sans outrance, sans oukase, sans se limiter à l’affrontement d’idées déjà arrêtées pour ne pas dire dogmatiques.

    Il s’agit, en outre, d’un hymne à l’humain, avec appel aux valeurs comme au sens de l’homme. Emprunts d’humanismes et d’humanité, enrichis de l’expérience humaine et professionnelle de l’auteur, les chapitres s’égrainent avec une parfaite harmonie.

    On ressort de la lecture avec la sensation d’avoir mené une véritable réflexion en profondeur et en toute sérénité.

    Un ouvrage à lire absolument."

    Voir en ligne : Médecine Palliative, décembre 2005

  • Un non-lieu dans l’affaire Vincent Humbert ?

    Ainsi donc le Procureur de la République a requis le non-lieu dans l’affaire de la mort de Vincent Humbert.

    D’un côté c’est probablement le mieux qu’il y avait à faire : il y a eu tant de souffrance dans cette histoire que la sagesse commandait de couper court.

    Mais de l’autre…

    Voici que le Procureur fonde sa décision sur une sorte d’état de nécessité : les protagonistes de cette affaire n’avaient pas le choix de leur attitude, ils étaient contraints d’agir. Mais justement, c’est de cela dont il est question.
    Rappelons d’abord une règle de prudence : nous ne savons de cette histoire que ce qu’on nous en a dit.
    Mais des propos des uns et des autres il ressort ceci : la mère de Vincent Humbert lui a administré un produit toxique. C’est à n’en pas douter l’amour qui a parlé en elle, et je ne connais personne qui pense à autre chose qu’à s’incliner devant elle, à rendre hommage à son courage, et à se révolter à l’idée même qu’on puisse la juger.
    Vincent Humbert n’est pas mort sur le coup. Il a été transféré en réanimation, et là l’équipe soignante a décidé qu’il ne fallait pas poursuivre cette réanimation. S’il est vrai que Vincent Humbert avait clairement exprimé une position de refus de soins, et indépendamment de l’état dans lequel il se trouvait, alors cette équipe a eu raison.
    Mais pourquoi le Docteur Chaussoy, s’il est vrai qu’il l’a fait (mais j’ai cru comprendre qu’il l’a dit lui-même), a-t-il pris la décision de provoquer un arrêt cardiaque, alors qu’il avait bien d’autres moyens d’assurer le confort de son mourant sans provoquer délibérément le décès.
    L’acte d’euthanasie, le seul, est là. Et cet acte n’a pas de justification du point de vue du malade. Le Procureur n’a pas raison sur ce point : les protagonistes certes étaient contraints d’agir, mais ils avaient le choix de leurs moyens. Invoquer la nécessité dans cette occurrence, c’est légitimer par avance dans leur principe tous les actes d’euthanasie.

    Voici que Marie Humbert crie au déni de justice. Elle l’a dit à la télévision le 2 janvier. Le déni de justice est constitué à ses yeux alors même qu’elle échappe à toute sanction.
    Que signifie cela ? Qu’elle se sent injustement frustrée dans son combat.
    Oh, ces paroles sont dures à prononcer. Car il s’agit d’une femme courageuse, et qui sans doute a tant souffert qu’on est pris de nausée à l’idée de seulement la critiquer.
    Mais déjà on avait de quoi s’étonner de la manière dont elle avait procédé : si j’ai un jour à tuer quelqu’un par amour de lui, la première précaution que je prendrai sera la discrétion. Si je ne la prends pas, alors la réalité humaine est que je prends le risque de compromettre le succès de mon entreprise au nom de la défense d’une cause. Défendre une cause est respectable, et je le respecterai. Mais du coup, l’acte que je pose est moins immédiatement un acte d’amour.
    Dans quoi cette mère, au fond de son horrible deuil, s’est-elle fourvoyée ? Depuis le début cette affaire sent la manipulation. Cela devient manifeste aujourd’hui.

    Quant aux promoteurs de la loi Léonetti, ils disent que si leur loi avait été en vigueur en 2003, l’affaire Vincent Humbert n’aurait pas eu lieu. Ils se trompent dangereusement.
    Je n’aime pas cette loi.
    Je ne l’aime pas parce que, contrairement à ce que tout le monde dit, l’état du droit permet depuis longtemps aux équipes soignantes de consentir aux refus de soins. La loi Léonetti n’apporte aucun principe nouveau, elle ne fait que clarifier une problématique. Or il est inutile et dangereux de multiplier les lois, et d’en promulguer dont on pouvait se passer.
    Je ne l’aime pas parce qu’elle n’a en rien éteint la polémique, comme on le voit tous les jours. Elle a donc manqué son but.
    Je l’aime encore moins depuis que j’entends les promoteurs dire, précisément, qu’ils ont fait avancer le droit. Car le droit n’avait pas à avancer.

    Bref, le Procureur a agi sagement. Mais la contrepartie aura été le renoncement à des principes fondamentaux. C’est cher payé.

    Faisons silence, donc. Mais que du fond de ce silence monte une pensée d’amitié, pour cette autre équipe soignante de Berck, celle du Docteur Rigaux, qui avait en charge Vincent Humbert, qui l’assumait avec courage, droiture et souffrance, et depuis deux ans accepte sans un mot d’être vilipendée par la moitié de la France, alors qu’elle a donné le meilleur d’elle-même.

  • Le cadre relationnel de l’aide à domicile

    Nous (Réseau National de Ressources en Sciences Médico-Sociales) avons mis en ligne une sélection de ressources destinée aux enseignants intervenant en Mention Complémentaire d’Aide à Domicile, formation proposée au sein de l’éducation nationale aux élèves ayant obtenu leur BEP carrières sanitaires et sociales et souhaitant s’orienter vers l’aide à domicile.

    Ce diplôme est l’équivalent Education Nationale du DEAVS (voir page Aide à domicile du site ministériel Personnes âgées).

    Ces ressources concernent la partie du référentiel traitant du cadre relationnel de l’aide à domicile.

    Martine Lemoine

    Voir en ligne : Ressources pour l’étude du cadre relationnel de l’aide à domicile

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    Manifester sa solidarité, son estime, son affection, avec l’équipe de soins palliatifs de Reims, qui continue sa prise en charge malgré les insultes, au moins implicites.

    Manifester son soutien à son épouse.

    Manifester ma honte de médecin, et plus encore peut-être ma honte de chrétien.

    Et, tout de même, crier. J’ai trouvé sur FaceBook cette lettre ouverte. Peu importe son auteur, elle résume parfaitement les positions des adversaires de Vincent Lambert. Je la publie intégralement, puis je donne mes commentaires.

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