La sottise se porte bien

11 | par Michel

Voici ce que je trouve dans Le Monde daté du 3 janvier.

Depuis plus d’un mois, le cabinet du docteur Jean Méheut-­Ferron, à Angerville­-la­-Martel (Seine­-Maritime), est fermé. Ce médecin généraliste de 64 ans, titulaire d’un diplôme universitaire de soins palliatifs, est sous le coup d’une « interdiction totale » d’exercer après avoir été mis en examen pour « administration de substance nuisible ayant entraîné la mort sans intention de la donner à une personne vulnérable ». La justice lui reproche d’avoir donné à plusieurs patients malades ou en fin de vie du midazolam (distribué sous le nom d’Hypnovel), un puissant sédatif exclusivement délivré par les pharmacies hospitalières et recommandé par la Haute Autorité de santé (HAS) pour mettre en place les sédations profondes et continues jusqu’au décès.

C’est par l’intermédiaire de son épouse, anesthésiste­-réanimatrice dans une clinique, et aujourd’hui également poursuivie par la justice, que le généraliste se procurait ce produit. Dans le cadre de l’enquête, les corps de sept anciens patients ont été exhumés. Des traces de midazolam ont été trouvées chez cinq d’entre eux. « L’information judiciaire devra s’attacher à déterminer le lien de causalité entre l’absorption de produits et le décès de patients, mais aussi la réelle intention des mis en cause », a déclaré le procureur de la République du Havre au journal Paris-Normandie. Aucune famille concernée n’a porté plainte.

Je suis sidéré par une telle sottise.

Le midazolam est un produit indispensable en soins palliatifs. Chacun sait, ou devrait savoir, qu’il est utilisé, non point pour euthanasier mais pour endormir un patient en fin de vie qui en a besoin. Correctement utilisé c’est un de produits les plus sûrs et les plus maniables qui existent.

J’ai moi-même pratiqué des sédations à domicile, et j’ai pour cela employé du midazolam. Je l’ai fait à une époque où son utilisation n’était pas encore répandue ; ces patients en avaient besoin, je m’en suis procuré, ce n’est pas bien difficile.

Depuis des années les médecins de soins palliatifs tempêtent pour que l’utilisation du midazolam soit possible à domicile. Des textes officiels ont été produits au début des années 2000 à ce sujet. L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament ne fait, à bon droit, aucune différence dans les soins palliatifs selon qu’ils sont dispensés à domicile ou en établissement. Le midazolam est d’utilisation courante en hospitalisation à domicile, alors que le seul problème qu’il pose est celui de la surveillance, ce que l’hospitalisation à domicile n’assure pas mieux qu’un médecin généraliste bien formé et motivé. L’article 3 de la loi Claeys-Léonetti dispose qu’ "A la demande du patient, la sédation profonde et continue peut être mise en œuvre à son domicile" ; or pour effectuer une sédation toute autre drogue que le midazolam est infiniment plus dangereuse. Pendant un temps on pouvait (difficilement, il est vrai) se procurer en ville une présentation du midazolam appelée Versed, qui a été retirée en 2015, on se demande pourquoi.

Bref, jusqu’à preuve du contraire, le médecin incriminé a travaillé dans les règles de l’art.

Tout ce qu’on peut lui reprocher est de s’être procuré les moyens de son action.

C’est se moquer du monde.

Mais voilà : l’un des beaux résultats de la loi Claeys-Léonetti aura été de créer la confusion entre sédation et euthanasie, d’où il résulte qu’à part quelques professionnels chevronnées dont j’ai l’outrecuidance de croire faire partie, plus personne n’y comprend rien. Le lecteur voudra bien m’accorder que je le dis depuis longtemps.

On se demande bien de quelle manigance ce confrère est victime, d’ailleurs on ne sait pas qui a pris l’initiative de ces poursuites. Qu’il soit assuré, en tout cas, de ma totale solidarité.