Poster un message

En réponse à :

Que faire quand une personne en fin de vie refuse de mourir ?

, par Michel

Bonjour Olivier.

Je suis à la fois heureux et embarrassé : heureux car je crois que vous m’avez compris. Embarrassé parce que, précisément, la conséquence est que, si du moins nous nous en tenons à cette vision très précise et exigeante de la nécessaire réflexion, je ne vais pas pouvoir vous dire grand-chose.

Oui, vous êtes au bord de la rupture ; pour une fois je parlerais de burn out (je déteste cette expression).

Comme vous le soulignez vous ne pouvez guère donner des leçons aux médecins. C’est d’autant plus regrettable que nous parlons de confusion mentale. Or il faut savoir que la confusion mentale est très mal connue de nombreux médecins, surtout des jeunes. C’est l’une des conséquences de la tyrannie intellectuelle exercée depuis une trentaine d’années par la psychiatrie américaine, et qui a détruit le bagage intellectuel (déjà pas si épais, s’agissant de la psychiatrie) des médecins français. On ne sait plus faire le diagnostic, pourtant précis, de confusion mentale, on en parle à tort et à travers, et on ne sait plus rechercher les causes organiques. Rassurez-vous : j’exagère ; mais pas tant que cela.

Par ailleurs, vous avez raison : rechercher les causes de confusion, c’est quitte ou double. Car cela suppose une hospitalisation, et cette hospitalisation est elle-même un terrible facteur de risque, pour votre père mais aussi pour votre mère ; et ce risque est à comparer à la faible probabilité, si on explore, de trouver une cause, et à la probabilité encore plus faible de trouver une cause sur laquelle on pourrait agir utilement. De sorte que votre refus de le faire était probablement très réaliste. C’est dire combien ces choses sont difficiles.

Très difficile aussi est de se faire une idée de l’état de votre mère. Et je m’en garderai bien, ne l’ayant pas vue :

le médecin gériatre qui l’avait évaluée m’avait convoqué en urgence ; selon elle, ma mère souffrait d’une maladie neurodégénérative, « très bien compensée, qui évoluait depuis un certain temps », et suffisamment avancée pour déconseiller formellement de laisser ma mère seule à son domicile.

Bref, une démence. C’est hautement probable.

Des investigations ultérieures n’ont pas abouti à un diagnostic certain, le médecin m’ayant seulement parlé d’une angoisse très forte et de « problèmes de mémoire qui ne peuvent s’expliquer seulement par l’âge »,

Vous avez zappé une information importante. Certes l’angoisse suffit à expliquer ce que vous avez observé. Mais le médecin vous a bien dit que les problèmes de mémoire ne peuvent s’expliquer seulement par l’âge. Cette litote signifie que le médecin pense lui aussi à une démence.

mais qui, selon moi, peuvent peut-être s’expliquer par l’anxiété. Et, au bout de trois ans, je n’ai pas constaté de notables dégradations de son état cognitif.

Et je ne peux rien dire. Il est fréquent que l’entourage soit très mauvais juge. Il est fréquent qu’il ait raison.

De son côté, mon père avait beaucoup souffert moralement de son hospitalisation.
Bref, la séparation avait bousculé leur fragile équilibre psychique. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui : la perte des fonctions supérieures de mon père prive ma mère de son principal appui psychique, provoquant une montée de l’angoisse : cela frappe toute personne la côtoyant, professionnel ou non.

C’est parfaitement juste. Quelle que soit l’explication qu’on donne de cet état de choses, l’équilibre est précaire et délicat, et il faut être très prudent avant d’y toucher. L’immense difficulté est que c’est la vie qui est en train d’y toucher.

Ce tableau me laisse assez pessimiste sur les chances de succès de mes démarches, car ma mère ne m’aide pas ; elle a une attitude tout à fait négative : quand je lui dis que mon père l’entraîne dans sa chute, elle me répond que c’est tant mieux car elle ne souhaite pas lui survivre ; quand je lui dis que l’aide que nous essayons de leur apporter, mon frère et moi, nous met en danger nous même, elle me répond qu’elle ne nous a rien demandé. Quand un professionnel de la mairie se rend à son domicile pour faire le point sur la situation, demande d’augmenter les aides, car, sans cela, tout le monde se retrouvera à l’hôpital : elle, mon père et moi-même, elle acquiesce, mais, dès que la personne est partie, dit que les aides supplémentaires demandées sont inutiles. Elle a pourtant pu constater que l’intervention de l’auxiliaire de vie qui fait la toilette de mon père le matin lui est bénéfique à elle aussi en permettant de diluer un peu son angoisse par sa présence rassurante. Manifestement, ma mère présente un jugement encore plus obscurci que le mien, du fait de l’épuisement, mais aussi de sa problématique personnelle.

Comme c’est juste !

Votre mère est libre de décider qu’elle veut suivre votre père. À condition d’être sûr qu’il ne s’agit pas d’une rodomontade. Ce qui m’importe c’est que, mine de rien, vous lui démontrez que les aides à domicile sont efficaces, et vous ne dites pas qu’elle les met à la porte. Tout de même, c’est bien agréable de bénéficier des aides à domicile, surtout si pour le même prix on peut vous reprocher de les avoir mises en place.

Quand et comment doit-on alerter les autorités ?

Mon pauvre !

Quand il a fallu décider que nous laisserions mes parents dans leur maison, nous avons jugé que je pouvais intervenir en deux heures, et que s’ils faisaient sauter la maison il n’y avait pas de voisins. La suite a été que rien ne s’est produit, et que mes parents ont pu vivre chez eux. Mais cela ne me donne-t-il raison ? En aucun cas. Prétendre cela reviendrait à dire qu’on a raison de jouer au loto parce que parfois on gagne.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.