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En réponse à :

L’ADMD et le ridicule

, par Michel

Bonjour, Pierre.

Je crois que vous avez été... victime des imperfections du logiciel que j’utilise pour ce site, et qui ne permet pas facilement de se repérer dans les diverses phases d’un dialogue.

Ce à quoi vous faites allusion, c’est à une échange avec Xav.

Au cours de cet échange nous évoquons la soi-disant difficulté de se suicider.

L’une des multiples arnaques de l’ADMD est en effet de laisser croire qu’il est difficile de se suicider, j’entends : se suicider confortablement, alors que le savoir nécessaire est à portée de main de quiconque. Et si, comme je l’ai fait pour les médecins, vous posez la question aux candidats à la mort sur rendez-vous, vous n’aurez aucun mal à constater qu’en fait ils n’ont pas commencé leurs recherches. Or, demandez à Google, il vous le trouve en trois secondes.

Je sais bien, tout le monde n’a pas Google. Mais raisonnons, s’il vous plaît. Je persiste à dire qu’il y a malhonnêteté à mélanger la problématique de l’euthanasie et celle du "droit" au suicide. Et tant que l’ADMD entretiendra délibérément la confusion, il sera inutile de discuter avec elle.

Alors parlons du "droit" au suicide. Ce n’est pas trop demander aux partisans de ce droit que de s’organiser pour réaliser leur projet, et de le faire alors qu’ils sont en pleine possession de leurs moyens. Je vous parle de Google parce que c’est simple, mais il y a d’autres moyens d’information, qu’on trouve en cinq minutes pour peu qu’on y réfléchisse, qui ne demandent aucun savoir médical, juste de savoir lire. Faites le test : vous constaterez comme moi que quand vous lui posez la question ainsi votre interlocuteur sèche ; puis vous le guidez doucement vers la solution ; elle est évidente, simplissime, et quand vous lui demandez pourquoi il n’y a pas pensé lui-même, il ne sait que répondre. En psychologie cela s’appelle une résistance, et il est toujours dangereux de s’attaquer sans raison à une résistance.

Alors, voici comment le dialogue avec Xav se reconstitue :

Je partage votre avis. Je ne crois pas que favoriser l’accès au suicide soit une bonne chose, car inévitablement il mettrait des moyens à disposition de gens qui, comme je le disais, sont "hors-service" au niveau du discernement (déprimés graves, etc). Il est très bien qu’aucun livre favorisant le suicide ne soit à disposition des gens.

Non, ce ne sont pas mes propos, mais ceux de mon interlocuteur. Cela dit je les partage globalement. Car il ne faudrait tout de même pas tenir pour négligeable le fait qu’en France l’écrasante majorité des suicides ne sont pas des morts ADMD. C’est pourquoi il est bon, comme l’écrit Xav, que la technologie du suicide soit un peu (si peu !) cachée. Cela desservira quelques personnes, certes, mais cela en servira infiniment plus ; et une loi n’a jamais vocation à résoudre tous les cas, elle se contente de faire moins de mal que de bien.

Alors je sais bien : à l’ADMD ils ont mis un filtre, il y aura un examen médical. Et... dites-moi : si le médecin n’est pas d’accord, il devient quoi le droit suprême et imprescriptible de mourir quand on veut ? Il paraît que la faille de la loi Léonetti c’est de laisser en dernier ressort la décision au médecin ; j’en suis bien d’accord, et je l’ai suffisamment dit. Mais dans la loi Roméro, il se passe quoi quand le médecin conteste le choix du malade ? On cherche un autre médecin ?

Alors que moi qui n’envisage nullement de me suicider, je sais parfaitement comment je ferais.

Là, c’est bien moi qui parle. Mais le contexte de cette phrase ne vous a pas échappé : J’évoque le fait que quand j’en parle avec des confrères qui me disent que, pour leur cas personnel, ils seraient favorables à l’euthanasie, je constate qu’ils n’ont aucune idée de la manière dont ils agiraient, alors que moi qui suis contre je le sais fort bien. Mais je fais ici un parallèle avec des médecins.

Bref, comme je l’écris :

Le savoir nécessaire pour se tuer correctement est disponible pour tout le monde. Avec des produits en vente libre dans toutes les pharmacies.

Mais ensuite :

bien sûr, un antidouleur bien connu par exemple. Mais quelques litres d’eau du robinet peuvent faire l’affaire ; cela dit c’est sans doute plus inconfortable."

Ici, c’est de nouveau Xav qui parle.

Alors, vous me dites :

Vous rendez vous compte de la contradiction ou plutôt de la discrimination et de votre ego "moi, je sais parce que j’ai fait des études de médecine".

Non : une fois qu’on a restitué à chacun des intervenants ce qu’il a réellement dit, vous voyez que j’ai dit exactement le contraire : je sais, et cela n’a rien à voir avec le fait que j’ai fait des études de médecine. Dans une récente émission, Noëlle Châtelet raconte que sa mère, qui si j’ai bien compris s’est suicidée, était dans une position privilégiée parce qu’elle était sage-femme et que donc elle savait comment s’y prendre. Vous sentez bien qu’on se moque du monde : j’aime beaucoup les sages-femmes avec qui j’ai l’occasion de travailler, mais leurs connaissances en toxicologie sont les mêmes que les vôtres.

Vous savez, il y a une immense escroquerie dans tout cela. Et ce qui m’effraie le plus c’est qu’on ne voit pas la raison de cette escroquerie.
- A l’ADMD, ils savent parfaitement comment il faut faire pour se tuer. Ils ne peuvent pas à la fois raconter qu’il faut des médecins pour tuer les gens, qu’ils ont une foule de médecins à leurs côtés, et qu’ils ne savent pas comment on fait.
- En France à l’heure actuelle, il n’y a pas d’exemple de médecin condamné définitivement à une peine ferme pour fait d’euthanasie. La seule exception est l’affaire de Saint-Astier, pour laquelle un médecin (que j’ai soutenue) a été condamné avec sursis, et qui aurait sûrement échappé à toute condamnation réelle si elle n’avait pas revendiqué son acte.
- Il y a donc une solution pratique très simple, si on on y tient tant que ça, au problème posé.
- Je concède que c’est là une solution hypocrite. Mais l’ennui c’est que la solution alternative serait une loi, et que les dangers d’une telle légalisation l’emportent largement sur le bénéfice qu’on pourrait en attendre. On ne peut même pas dire : "au moins cela poserait un cadre" : on sait que les législations hollandaises et belges n’ont rien changé au problème des euthanasies clandestines.

Bref, vous concluez :

Pourquoi d’autres ne pourraient pas faire preuve d’autant de discernement que vous s’ils savaient comment faire parce qu’on leur aurait dit ?

Mais... pourquoi en effet ? Et pourquoi le penserais-je ?

La base des soins palliatifs, c’est que le sujet est une personne jusqu’au bout. Que la question de sa dignité ne se pose pas, jamais, parce qu’il est digne jusqu’au bout ; la dignité ne se loge pas dans la vessie, ni dans le sacrum, elle est dans la personne. Si les médecins de soins palliatifs travaillent c’est parce qu’ils ont appris que leurs patients sont jusqu’au bout libres et responsables ; et que tout l’enjeu de la médecine palliative est le respect de leur discernement. Et que le malade en toute circonstance décide pour lui-même. C’est cela que nous faisons.

Après il y a deux limites :
- Celle du malade, ou même du bien-portant qui, pour des raisons qui le regardent, ne veut pas vivre sa fin de vie. Il s’agit là de droit au suicide, le médecin de soins palliatifs n’est pas concerné, tout ce qu’il demande c’est qu’on ne vienne pas le chercher. Quant à moi, je rappelle qu’il y a des objections à un "droit au suicide", mais c’est un autre débat.
- Celle du malade qui, à l’extrême fin, se trouve dans une situation où il vaut beaucoup mieux pour lui ne pas assister à ce qui se passe. Là nous avons des solutions, imparfaites mais convenables, propres, à cent lieues des fantasmagories délirantes des gens de l’ADMD, du moins quand on prend la précaution de faire la part entre ce que l’entourage voit (qui est très important) et ce que le malade éprouve (qui est tout de même encore plus important) ; et de faire son boulot correctement, et Dieu sait s’il y aurait à dire.

Mais le choix du malade, le discernement du malade, la liberté du malade, cela a toujours été ma loi.

Et quand il me demande de le tuer ?

Je le redis : j’ai un petit millier de morts au compteur. Aucun ne m’a fait cette demande (les familles, si). Cela ne veut pas dire que cela ne se produit jamais. Cela veut dire que c’est exceptionnel. Et les lois, ce n’est pas pour l’exceptionnel.

Bien à vous,

M.C.

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