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En réponse à :

L’agonie

, par sandrine.a

Bonjour docteur,

Tout d’abord, merci pour la rapidité de votre réponse, et d’avoir pris soin de reprendre chaque élément de mon message.
Je me permets de vous adresser une réponse, afin d’éclaircir certains passages, qui après votre relecture me paraisse peu clairs à moi aussi.
Tout d’abord, j’avoue ne pas avoir indiqué que ma mère avait un passé de grosse fumeuse : comme elle avait réduit drastiquement sa consommation ces 5 dernières années, j’ai mis cette information de coté, mais je pense qu’elle a effectivement un lien très étroit avec son état de santé de ces derniers mois.

Son médecin a fait la seule chose sensée : car si ces décompensations respiratoires sont très dangereuses il est quasiment impossible de fixer un pronostic, ce qui fait que la seule solution est d’hospitaliser. De même il est très difficile de ne pas réanimer, car on ne sait pas ce qui pourrait être gagné ou non.

J’ai absolument soutenu la décision de son médecin : elle n’avait pas réussi à se rendre à leurs derniers rdv (alors que nous habitons à moins de 5minutes à pieds), et pour moi cela semblait obligatoire. Bien que son médecin ai été plus subtile, j’ai été obligée de dire à ma mère que si elle refusait son hospitalisation, elle mourrait dans la semaine qui suit. C’est une expérience que je ne souhaite à personne : j’ai eu l’impression de lui annoncer son arrêt de mort.

Oui, certainement, mais… comment en avez-vous discuté avec les médecins ? Si l’insuffisance rénale s’explique effectivement par la défaillance cardio-respiratoire, alors ils devaient être eux aussi très inquiets, et ils vous ont certainement fait part de leur inquiétude. Il y a là quelque chose que je ne comprends pas. (...) Non, vous n’auriez pas pu. La seule solution était qu’on vous en informe. Et tout se passe comme si les médecins ne vous avaient rien dit. Et là, je me pose une question.
Il arrive encore que des équipes médicales ne sachent pas communiquer, et qu’elles laissent les malades et les proches dans l’ignorance de ce qui se passe. Mais il arrive bien plus souvent que ces mêmes équipes disent, parfois même très clairement, ce qui doit être dit et que, par un étrange processus de scotomisation, le malade ou les proches ne l’entendent pas. Je vous dis ça parce que ce qu’il y avait à dire était très clair et très simple (et très triste) ; j’ai du mal à croire que cela n’ait pas été fait, et je suspecte qu’en réalité les choses vous aient été dites, mais qu’au moment où on l’a fait vous n’étiez pas en état d’entendre.

Dans votre réponse, vous avez mis le doigt sur quelque chose que je n’avait pas remarqué, et qui me saute aux yeux aujourd’hui : je pense qu’il y a effectivement eu un gros problème de communication.
En effet, j’ai posé des questions au personnel médical durant son hospitalisation :
lorsque j’ai demandé à quoi servait la sonde urinaire et pourquoi on lui administrait des diurétiques, on m’a répondu qu’elle faisait simplement de la rétention d’eau. C’est son médecin, quelques semaines après son décès, qui me l’a expliqué... parce que je lui ai demandé.
Elle a fait une batterie d’examens, qu’on me m’a jamais expliqué, alors que j’ai demandé des éclaircissements.
A l’annonce de son cancer, quand j’ai demandé à son médecin comment cela s’était développé et comment cela allait avancé, j’ai obtenu des réponses évasives. Tout comme de la part de l’équipe des soins intensifs qui l’ont accompagnés lors de sa mort.
Je peux comprendre ces 2 dernières réactions : j’étais en état de choc, et je pense qu’on a cherché à me préserver. Et c’est une bonne chose.
Mais je me pose de nombreuses questions aujourd’hui auxquelles j’ai des difficultés à répondre : j’aurai aimé plus de clarté, ne serai-ce que pour comprendre comment nous en sommes arrivés à une situation aussi tragique.

Comment ne pas vous comprendre ? Mais il vous faut garder en tête que cancer ou non, ces malades sont très précaires, et qu’on ne saurait s’étonner de voir l’un d’eux s’effondrer en quelques heures.
C’est-à-dire ? Sa situation d’insuffisance cardio-respiratoire grave ? Je ne sais pas vraiment interprété les symptômes de ses derniers mois de vie.

Je crois qu’il s’est passé autre chose. Votre mère a décidé qu’elle en avait assez de se battre sur le plan respiratoire, et les médecins se sont dit qu’en effet les choses devenaient très difficiles et qu’ils n’avaient pas trop le droit d’insister pour qu’elle se soigne alors qu’ils ne pouvaient plus promettre que cela servirait à quelque chose.
Comme je vous l’ai dit, je respecte totalement sa décision : bien que je ressente de la culpabilité, je n’ai aucunes colères visa-à-vis de cela. Au contraire : je la trouve courageuse et tout à fait légitime. D’ailleurs, nous avions abordé, quelques semaines avant, le suicide assisté, notamment Exit (vivant en Suisse, cela n’est pas un problème légal) : et nous étions bien d’accord sur son utilité.
L’équipe médicale a fait le bon choix, et je les en remercie : je suis contre l’acharnement médical, et clairement, si elle n’avait pas pu prendre cette décision, elle aurai encore souffert durant des semaines.
J’aimerai d’ailleurs rassurer vos lecteurs : même si on a une image très négative de la mort à l’hôpital, aux soins intensifs, l’équipe accompagne la personne qui décède : il y a toujours quelqu’un près d’elle, elle n’est pas seule. Personnellement, cela a été un réconfort de le savoir, et c’est important de le dire.

Je dis que la nouvelle est symbolique parce que, sur ce que je comprends, chez votre mère le pronostic de l’insuffisance respiratoire était encore pire que celui du cancer.
En terme de traitement, je le pense aussi. En terme de nouvelles, je ne sais pas : chez mon frère et moi, cela a été un coup de massue.
Mais la dernière fois que j’ai été auprès d’elle, elle avait terriblement peur, et était angoissée : cela a été terrible de lui redonner courage, alors que j’étais en larme la minute d’avant. Je l’ai dit à son médecin : il était hors de question qu’elle me voit en larme, alors qu’elle était terrifiée. Je ne sais pas si cela a servi à quelque chose : mais je voulais qu’elle puisse avoir quelqu’un qui puisse la rassurer.

Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir failli : durant ces 2 dernières années, je me suis occupée d’elle comme si elle était mon enfant. Et je n’ai pas su la protéger, ou du moins la soulager : j’ai conscience à quel point ce sentiment est terrible, mais il ne me quitte pas.
D’autant plus que mon frère, avec lequel je vis, est handicapé : bien qu’il soit un peu près autonome, il n’a jamais vraiment eu à s’occuper de la vie quotidienne, ou administrative. Ma mère l’a toujours ménagé et tout fait à sa place.
Je suis la cadette : mais je me sens comme la mère de famille, et à 27ans cela est assez peu évident.
J’ai peur de remporter ma culpabilité et mon angoisse sur lui, alors que ça ne nous rendra pas du tout service : mais il ne me semble pas plus concerné par toute la partie administrative liée à un décès.
C’est limite si il ne sait pas ce qui se passe, et ne s’en préoccupe pas.

J’ai peur que mon "instinct maternel" ne rend notre relation difficile : je le voudrais plus indépendant, mais en même temps j’ai peur qu’il revienne avec un rhume.
D’autant plus que nous avons tout les 2 eu la grippe, et que je suis devenue paranoïaque (parce que ma mère a eu un cancer du poumon) : j’ai de la peine à ne pas imaginer le pire quand je tousse.

J’ai conscience que mon message est long et assez brouillon : j’ai essayé de le structurer au mieux.
Prenez soin de vous aussi bien que vous prenez soin des autres.

Amicalement,

Sandrine A.

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