Poster un message

En réponse à :

Soins palliatifs et pensée magique

, par Michel

Bonsoir, Bruno.

Cette question me semble terriblement difficile, et je ne suis pas certain en réalité d’avoir suffisamment de neurones pour en faire le tour.

D’un côté, la pensée scientifique a fait suffisamment la preuve de son efficacité pour transformer le réel, ou du moins le palpable. Et on ne peut pas en dire autant de la pensée magique.

Mais de l’autre il demeure des questions philosophiques non résolues, enfin je ne crois pas.

Celle-ci par exemple : comment se fait-il que le réel soit mathématique ? Comment se fait-il que mon cerveau soit justement l’outil adéquat pour le comprendre ? Et je ne vois que trois solutions :
- C’est un pur hasard, qui fait que le fonctionnement de mon cerveau et celui de l’univers coïncident.
- C’est le Dieu qui l’a voulu ainsi.
- C’est une illusion : c’est parce que je pense l’univers avec mon cerveau que je crois que l’univers est mathématique.
Simplement, dans ce dernier cas, il faut reconnaître que l’illusion est bien faite.

Mais si nous ne savons pas répondre à cette question, alors qu’est-ce qui nous autorise à dire qu’il n’y a pas aussi un monde, tout aussi réel, qui serait régi par la pensée magique ? Au fond je ne le sais pas très bien.

Et de toute manière, à supposer que le réel ne soit que logique, et qu’il soit totalement intransformable par la pensée magique (ce que j’ai tendance à croire) il resterait à considérer que l’homme, de par sa position singulière, ne vit pas seulement de rationalité. C’est probablement une erreur que de l’y réduire. D’une manière ou d’une autre il vit de spiritualité : l’homme est ce qui, nommant ce qui est, le fait exister, et dans l’interstice entre ce qui est et ce qui existe quelque chose se glisse qui peut être accessible avec d’autres outils que la pensée rationnelle. Il me semble que dans la nature même de la médecine se joue quelque chose de cela.

Non seulement, donc, je note que les médecins sont très vulnérables aux assauts de l’irrationalité, mais je vais jusqu’à me dire qu’ils doivent assumer cette irrationalité. La seule condition que j’y mettrais est qu’ils le sachent, car tout de même quand il s’agit de choisir un antibiotique il vaut mieux s’en remettre à la partie rationnelle de notre pensée.

La différence serait donc là. Pensée rationnelle et pensée magique ne sont pas équivalentes et ne donnent pas le même résultat : un marteau rend autant de services qu’un tournevis, mais pas les mêmes.

Je peux maintenant rectifier un point sur lequel visiblement je ne me suis pas bien expliqué. Précisément je ne crois pas que la pratique de la médecine soit scientifique. Elle l’est dans de nombreux domaines, mais pas dans tous, peut-être même pas dans la majorité. Et comme vous le soulignez, quand le médecin fait son choix, il le fait au bout d’une démarche qu’il doit mener le plus rationnellement possible, mais il se trouve qu’au moment de ce choix s’insinue le plus souvent un flou qui fait que s’il doit justifier le détail de ce qu’il a décidé il y a bien souvent une zone d’ombre où il n’a rien d’autre à avouer que "au fond, je ne sais pas pourquoi j’ai décidé cela". Sans compter le fait, mais je crois l’avoir suffisamment expliqué, que c’est au fond affaire de degré : médecin et magicien travaillent tous deux sur des statistiques, celle du médecin sont simplement plus puissantes. C’est très inconfortable.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.