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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Lorelei.

Je vais tâcher de vous répondre. Je le ferai dans l’absolu, car, comme je tiens à le répéter à chaque fois, je n’ai pas vu cette situation, et il est toujours impossible de faire un diagnostic à distance.

La mise en institution a-t-elle accéléré l’évolution ? C’est très possible : il se peut en effet que les malades, déplacés de l’endroit qu’ils connaissaient ou qu’ils aimaient, se laissent mystérieusement aller. Mais une fois cela dit, il reste trois choses :
- De toute manière la situation était intenable à domicile ; la décision de l’institutionnaliser était donc la bonne décision, et le fait que les choses aient mal tourné ne saurait la remettre en cause. Par ailleurs il faut se souvenir que la démence ne tue pas : on ne meurt que d’affections qui surviennent sans trop de rapport avec elle ; cette évolution fatale n’est donc rien d’autre que le mode habituel de décès de ce type de malades ; ce n’est pas la maison de retraite qui l’a tué, c’est son état.
- Nous sommes toujours très désireux de trouver un sens à ce qui se passe. Nous ne supportons pas le hasard. Or le plus probable reste qu’il n’y a aucun rapport entre la décision que vous avez prise et l’évolution qui s’en est ensuivie.
- Mais la culpabilité est un ressort obligatoire du deuil normal. Je vous renvoie sur ce point à l’article que j’ai écrit récemment. Cette culpabilité il faut l’accueillir, car elle sert à faire évoluer le deuil. Mais il faut l’accueillir avec ce qu’il faut de sourire en coin, car il ne faut pas en être dupe, ou pas trop longtemps.

Nous n’avons pas une image claire de la déshydratation. Notre modèle est ce que nous ressentons quand nous avons soif ; ou alors c’est l’image de Lawrence d’Arabie dans le désert. Mais ce sont des modèles inadéquats ; d’ailleurs l’expérience de la canicule de 2003 nous montre que 15 000 vieilles personnes sont morte parce qu’elles ne savaient pas qu’elles avaient soif. Non seulement donc la réponse est dans votre question (on peut rester 11 jours sans être hydraté, puisque votre père l’a fait), mais la mort par déshydratation n’a rien à voir avec ce que nous imaginons.

Lui a-t-on supprimé toute chance de survivre ? Cela se peut. Mais l’équipe qui a pris cette décision l’a prise parce qu’elle pensait que de toute manière il ne survivrait pas, et que dans ces conditions le fait de l’hydrater aurait été une mesure d’acharnement thérapeutique. A-t-elle eu raison ? Nous ne pouvons pas le savoir ; mais c’est bien le problème de l’acharnement thérapeutique, n’est-ce pas ? Quand on décide de traiter on ne sait pas si on a raison, et quand on décide de ne pas traiter on ne le sait pas non plus. La seule position est de dire qu’on a fait, en conscience, ce qu’on croyait le mieux. Comme pour votre décision de le mettre en maison de retraite.

Un dernier mot : le spectacle a été atroce. J’en ai vu, de ces spectacles, et je sais ce qu’il en est. C’est pourquoi la seule position est de se dire que l’important n’est pas dans ce que nous voyons, mais dans ce que le malade vit. Et nous avons de solides raisons de penser que pour le malade cette évolution est beaucoup plus douce que ce que nous croyons voir. Il faut donc se tenir ferme sur cette position, et ne considérer que ce qui est bien pour lui, ce dont il a besoin. Tout laisse penser que c’est ce qui a été fait.

Ne craignez rien.

Bien à vous,

M.C.

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