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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Sophie.

Je vous répondrai très simplement, même si j’ai bien conscience que cette réponse va vous surprendre. Il est banal de voir des soignants, même très expérimentés, se faire surprendre par la mort d’un malade. Je vais plus loin : il m’est arrivé d’assister à un décès sans me rendre compte tout de suite de ce qui se passait. Et je ne vous parlerai pas du cas de cette jeune femme que l’équipe, confrère compris, avait vue mourir, de sorte qu’on avait appelé la famille en urgence ; moi, j’avais repéré que sa cage thoracique n’était pas tout à fait immobile, mais… je n’ai rien osé dire, croyant être le jouet d’une illusion ; la famille est arrivée en catastrophe, la malade s’est réveillée et a vécu deux jours de plus. C’est qu’il n’y a pas de différence évidente, absolue, incontournable entre quelqu’un qui meurt et quelqu’un qui s’endort ; la seule différence est qu’il ne se réveille pas. Sur ce point Montaigne n’a pas tort de dire que le trépas n’a nullement lieu de faire peur : mourir n’est rien d’autre que perdre connaissance ; et nous avons tous au moins une fois, ne serait-ce que lors d’une anesthésie, perdu connaissance, n’est-ce pas ?

Dans le cas que vous décrivez, les choses se sont passées en urgence ; cela signifie que les professionnels étaient face à un état instable qui leur interdisait de faire un pronostic un peu fiable ; comme on dit dans les feuilletons : « les médecins n’osent pas se prononcer ». Donc on ne vous a rien dit parce qu’on ne savait rien.

Un mot en passant sur la sténose aortique :
- Ce n’est pas le plus grand pourvoyeur d’accidents vasculaires cérébraux ; je croirais donc plus prudent de tenir qu’il n’y a aucune relation évidente de cause à effet.
- Il est tout à fait normal qu’elle n’ait pas été détectée : c’est une pathologie qui ne fait pas parler d’elle, sauf quand elle se complique. Autant dire que le mode habituel de découverte est le hasard.

Alors on peut se demander aussi si l’équipe a été, comme je le pense, prise de court, ou si elle n’a pas voulu vous prévenir. Si cette seconde hypothèse est exacte, alors elle a eu tort. À moins de s’être trouvée dans ces situations, précisément, limites où on ne sait pas ce qu’on doit faire parce que, n’étant pas sûrs que la mort soit imminente, on n’ose pas alerter une famille. Choix difficile : je ne compte plus le nombre de fois où j’ai dû expliquer : « vous voulez être là au moment du décès, mais je ne sais pas le prévoir ; la seule solution est donc que vous restiez ici, mais cela peut durer un, deux, trois jours, plus peut-être ».

Ce qui par contre est très probable, c’est qu’effectivement votre père n’a pas souffert :
- Parce qu’un accident vasculaire cérébral à la phase aiguë n’est guère douloureux.
- Parce qu’il s’accompagne de troubles de la conscience qui ont un effet protecteur contre la souffrance.
- Parce que si vous l’avez vu douze heures avant il faut compter que la mort aura été précédée d’un coma de quelques heures.

Puissent ces quelques mots vous apporter un peu de paix.

Bien à vous,

M.C.

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