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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, et merci de votre message.

Je veux d’abord corriger un détail : je ne suis professeur de rien du tout, et d’ailleurs je ne souhaite pas l’être. Les professeurs sont des médecins comme les autres, à ceci près qu’ils passent moins de temps auprès du malade, et donc sur certaines matières en savent plutôt moins que les médecins de terrain (comme on ne manque d’ailleurs pas de le voir à chaque fois qu’ils se hasardent à parler dans les médias). J’en connais d’excellents, il y en a que je tiens pour mes maîtres, mais je leur envie tout sauf leur titre.

Bon. Parlons de ce qui importe.Et là je crains ce que je vais vous dire.

Nous avons affaire à une dame (quel est son âge ?) qui est atteinte d’un cancer du pancréas jugé d’emblée inopérable, et qui remonte à trois ans. Elle a été traitée par chimiothérapie, avec ce qu’il faut malheureusement appeler un bon résultat, puisque la durée moyenne de survie du cancer du pancréas est inférieure à quelques mois. Le plus probable est que nous sommes actuellement en situation de fin de vie.

Il y a donc quatre choses à dire.

La première, c’est que la prise en charge palliative du cancer n’est pas toujours facile. En particulier il peut y avoir des douleurs tenaces, qui demandent des médicaments particuliers, le plus souvent non disponibles en ville, et surtout une compétence particulière.

La seconde découle de la première : je comprends le désir de votre mère de mourir chez elle, et si j’étais en charge de son cas je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour lui permettre de réaliser son vœu. Reste à savoir si c’est possible, et cela dépend de l’environnement. Je ne sais pas où vous habitez, mais il me semble que vous allez vers d’importantes difficultés si vous ne pouvez pas compter sur l’appui d’un service d’hospitalisation à domicile, et si aucun médecin de soins palliatifs ne peut venir vous aider. Il faudra aussi obtenir d’un hôpital (la loi le permet) qu’il délivre les médicaments nécessaires s’ils ne sont pas disponibles en ville. Si tout cela n’est pas possible, alors il se peut que la situation vous impose de réhospitaliser la malade.

La troisième chose est qu’il faut être très clair : comme vous le notez à demi-mot, elle a lutté pendant trois ans et maintenant elle abandonne le combat. J’ai envie de dire très rapidement : elle a raison. Elle a raison parce que même si elle luttait elle n’obtiendrait rien. Je sais que dans certaines religions il existe une sorte de devoir de vivre, mais outre qu’on ne m’a jamais montré les textes sacrés qui affirment ce devoir (tout ce que j’ai pu lire là-dessus me paraissant surtout très tiré par les cheveux) il existe dans ces mêmes religions un devoir d’accepter la volonté divine qui vient exactement contredire le premier dès qu’on n’en use pas avec discernement. Votre mère a lutté, le combat est terminé. Aussi, quand vous écrivez : voilà maintenant une semaine qu’on essaye de la maintenir en vie... vous avez raison : j’en ferais sans doute autant car si je n’essayais pas cela voudrait dire que je suis prêt à assumer le deuil qui va suivre. Mais... rien de ce que vous ferez ne pourra prolonger l’évolution. Vous avez donc raison de poursuivre votre désir que votre mère vive encore, encore un peu ; mais il vous faut prendre garde que les actions que vous mettez en œuvre pour cela ne lui soient pas des contraintes ou des importunités : il n’est plus temps de l’importuner.

Voyons maintenant l’évolution prévisible. Difficile, car j’en sais trop peu, je ne l’ai pas vue, et les évolutions sont très variables d’un cas à l’autre. Je prends donc simplement ce que vous écrivez.

elle n’a plus d’appétit ne mange pas depuis 5 jours. C’est le cas général. Et compte tenu du stade évolutif, je dirais qu’il n’y a rien à y faire, non seulement parce que rien ne serait efficace mais encore parce que tout porte à croire que l’évolution terminale se fera avant que la dénutrition ait le temps de s’installer vraiment. Je crois qu’il faudrait donc continuer, certes, à lui proposer de manger des choses qu’elle aime, à la condition absolue de ne jamais insister.

elle est rentrée dans un état second peut-être dû a sa médication, elle tient des propos parfois hallucinants genre "ouvrez la porte,ouvrez les robinet,descends-moi en bas etc.. Il y a à cela plusieurs explications possibles, notamment, comme vous le soulignez, les médicaments. Mais vous n’avez pas le choix :
- Rien, aucune considération ne pourrait justifier qu’on la laisse avoir mal. Ici aussi il existe des religions (le christianisme n’en est pas exempt) dans lesquelles on veut que le malade garde toute sa lucidité au moment de la mort ; mais je me demande quelle lucidité on peut attendre d’un malade chez qui la douleur a tout envahi.
- La douleur du cancer du pancréas peut imposer des doses massives de morphine. Il faut les donner.
- Et il arrive assez souvent que la douleur ne réagisse pas à la morphine, et qu’il faille utiliser des médicaments particuliers.
- Je crois que le cancer du pancréas est l’un de ceux pour lesquels on se retrouve le plus fréquemment acculé à endormir le malade.

Ses pieds sont devenue bleus au niveau des doigts. Ce peut être un signe de fin imminente, mais pas forcément.

A 20 h l’infirmier lui a administré des plaquettes, anti douleur, une poche de sang, sérum... Voilà qui vient nuancer ce que j’ai dit plus haut : car il n’y a aucun sens à faire une transfusion à un malade en train de mourir. Soit donc cette transfusion a été insuffisamment réfléchie soit les professionnels ont des raisons de penser que la mort n’est pas encore là. Mais si c’est le cas, alors je crains que la prise en charge à domicile ne soit de plus en plus difficile.

Là elle est plongée dans un sommeil depuis 5h... elle ronronne de la gorge en dormant... Je ne peux pas vous dire grand-chose sur ce point : cela ressemble tout à fait à une entrée en agonie, et si c’est le cas alors il se peut que les choses aillent maintenant assez vite.

je voulais savoir quelles étaient les prochaine étapes..? Va-t-elle s’empirer ? Oui et non :
- Oui, parce que malheureusement la marche vers la mort est entamée.
- Non, parce que sur le tableau que vous décrivez j’ai l’impression que les choses sont déjà très avancées, et que tous les symptômes importants sont là.

Le seul problème est donc de savoir comment ces symptômes sont pris en charge, et quel est le résultat obtenu.

Je reste à votre écoute, bien sûr.

M.C.

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