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En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonsoir, Laure.

Oui, je vois bien que vous êtes désemparée. On ne serait à moins, avec cette évolution que vous ne comprenez pas et cette distance qui à la fois grossit les choses et les rend irréelles.

Essayons de reprendre.

Votre père est en soins palliatifs. Est-il dans une unité de soins palliatifs au sens strict du terme ? Ou bien est-ce une manière de dire qu’il n’y a plus de projet curatif pour lui ? La stadification que vous donnez (T2N2M0) ne peut être interprétée que si on sait de quel cancer il s’agit. Je suppose que c’est un cancer digestif, probablement haut situé,puisqu’il est en alimentation artificielle. Ces cancers ne sont pas de très bon pronostic.

Ce qui est plus surprenant, c’est ce que vous écrivez : Depuis mercredi, mon père refuse tout soins (...). L’oncologue a validé son choix. Or nous sommes samedi. Nous savons bien que les volontés du malade fluctuent, et aucun médecin ne se précipiterait ainsi sur un refus de soins pour le valider sans autre forme de procès. Il faut donc considérer que c’est là l’aboutissement d’une longue réflexion, et que les choses vont plus mal que vous ne pensez.

Que vous ne pensez ? Vous écrivez : Je suis dans le déni. C’est à la fois vrai et faux. Vous êtes dans le déni dans la mesure où vous essayez de vous rassurer en pensant que le cancer n’est pas encore généralisé, alors qu’il est à l’évidence à un stade très grave. Mais vous n’y êtes pas dans la mesure où, par définition, quand on dénie on ne sait pas qu’on dénie.

Ce qui se passe ensuite est très simple, et toutes les personnes confrontées à la perte d’un être cher passent pas là : il vous serait bien moins douloureux d’avoir quelque chose à faire. Ou qu’il y ait quelque chose à faire. Essayer encore de nouveaux traitements : on ne laisse pas sans soins quelqu’un dont le cancer n’est "pas encore généralisé". Ou au contraire le tuer. Mais pas vivre cette inaction.

C’est pourtant là qu’est la voie. Votre père semble avoir fait un choix, celui de cesser de se battre. Il est entouré de bons médecins qui ont accepté de respecter ce choix. Nous avons les moyens de lui assurer une fin de vie paisible et digne. Je n’ai aucune raison de penser que ces médecins n’utiliseront pas ces moyens. S’il le faut on l’endormira.

Combien de temps ? Je n’ai aucun élément pour en juger. Vous le dites très affaibli, mais cela ne suffit pas à discerner où il en est. La seule réponse que je puisse vous faire serait : "pas très longtemps", sans savoir si je vous parle d’heures, de jours ou de semaines. Tout ce que je sais c’est qu’un malade qui a décidé qu’il ne se battait plus s’en va d’habitude très vite. Mais après tout ce n’est pas le plus important : la question est de savoir s’il souffre, et ce qu’on fait pour soulager cette souffrance.

Il reste deux choses à considérer avec soin :

- Ma mère l’a vu aujourd’hui, il vomissait une espèce de bouillie marron et était dans son monde. Pas trop d’échange possible. C’est insoutenable !

Je crois comprendre ce que vous voulez dire. Mais ne perdez pas de vue que la question essentielle est de savoir pour qui c’est insoutenable. Pour vous, je le conçois sans peine. Mais pour lui ? S’il est comme vous le mentionnez "dans son monde", il s’agit probablement d’une confusion mentale, mécanisme spectaculaire mais qui protège le malade de la réalité.

- Dire que je suis impuissante et que je ne peux rien faire pour lui m’est insupportable... J’angoisse terriblement.

Voilà. Alors que le chemin que vous avez à faire est précisément d’accepter l’idée que votre père va son chemin, que c’est le sien, que, mystérieusement, c’est lui qui en décide et que vous aurez fait votre part de chemin quand vous aurez accepté l’idée qu’il faut le laisser partir, ce qui implique que vous acceptiez l’idée que vous n’avez rien à faire, sinon être là comme vous pouvez, c’est-à-dire largement en pensée.

Gardez courage : ce que vous faites, ce que vous sentez, ce que vous pensez, tout cela est dans l’ordre des choses, tout cela est conforme à ce qui se passe.

Bien à vous,

M.C.

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