Poster un message

En réponse à :

L’agonie

, par Michel

Bonjour, Isabelle.

Cette période que vous vivez est effectivement un cauchemar.

Mais que faire ? Que faire devant cette situation qui semble n’avoir plus aucun sens ? C’est bien là, n’est-ce pas, que se pose la question de l’euthanasie !

Je crois fermement qu’il nous faut décortiquer ce qui se passe. Si on pratiquait une euthanasie, il faudrait comprendre pourquoi.

Est-ce pour le malade ? Vous parlez très justement de le "libérer". Je ne peux naturellement rien dire d’un malade que je n’ai pas vu, mais d’ordinaire les situations de coma liées à un accident vasculaire cérébral n’engendrent pas pour le patient de souffrance particulière ; nous avons des raisons de le penser parce qu’il y a tout de même un fort pourcentage de ces malades qui survivent et qui peuvent dire ce qu’ils ont vécu (et la réponse est : rien).

Mais si ce n’est pas pour le malade, alors pour qui est-ce ? très simple : nous le voulons pour nous ; et nous le voulons parce que ce spectacle est une torture.

Et à ce point je dirais deux choses, qui me semblent capitales.

La première est que ce sentiment est normal. Tout le monde l’éprouve. Et tout le monde en éprouve une culpabilité violente : comment puis-je vouloir la mort de celui que j’aime ? Comment puis-je trouver que c’est trop long ? Pourtant, c’est ce que j’éprouve. Et je l’éprouve parce que c’est le mécanisme normal du deuil. Ce désir que cela finisse, cette impatience, est le plus puissant outil que la Nature nous donne pour préparer la séparation. Quant à la culpabilité, c’est un moteur essentiel du deuil, c’est grâce à elle que nous acceptons le départ de l’être aimé, voyez http://michel.cavey-lemoine.net/spip.php?article107

La seconde est que quand l’entourage en vient à se demander combien de temps cela va encore durer, c’est un signe presque infaillible que, précisément, cela ne va plus durer.

Comment cela se fait-il ?

Ce que je crois, c’est que la mort n’est pas l’affaire du seul mourant. Je vous renvoie à http://michel.cavey-lemoine.net/spip.php?article12. Lors d’un décès il se passe en effet deux choses : il y a celui qui perd la vie, et il y a ceux qui perdent celui qui perd la vie. Et ces deux événements n’ont aucun rapport l’un avec l’autre (à telle enseigne que les quelque mille personnes que j’ai vues mourir ne m’ont rien appris sur ce qui va m’arriver) à ceci près qu’elles se produisent en même temps. C’est pourquoi ce temps de la fin de vie a une fonction. C’est une entreprise commune entre le mourant et son entourage, où chacun joue son énigmatique rôle, et dans cette entreprise, même quand elle paraît interminable (et j’en ai connu d’interminables, j’en ai connu où on se demandait à quoi ça pouvait bien servir), il vaut mieux ne pas intervenir : on le paierait.

Vous allez reprendre le travail. Il le faut. Cette reprise du travail est peut-être l’ultime marche que vous devez gravir pour être enfin totalement prête ; j’ai connu des cas où, à tort ou à raison, nous avons pensé que le malade attendait pour mourir que chaque membre de son entourage soit près de lui, d’autres au moins aussi nombreux où il semble avoir attendu que tout le monde soit parti. Je ne sais pas ce qu’il en est, mais, oui, j’y crois. Tout comme je crois que s’il est nécessaire que le moment venu vous soyez là, vous y serez.

Je reste à votre écoute.

Bien à vous,

M.C.

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici
  • Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.