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En réponse à :

Deuils et pertes chez le sujet âgé

, par Dom

Bonjour

Vous mentionnez, parmi les manifestations du deuil, le "marchandage". Je voudrais à ce propos témoigner d’un exemple de "marchandage" sophistiqué, celui de ma mère en route vers une démence profonde, et qui m’a particulièrement irritée : ce n’est qu’à la lecture de vos explications que j’ai fini par le comprendre.

Une observation attentive m’aurait sans doute permis de déceler que ma mère était en train de devenir démente bien avant la mort de mon père, mais le fait est que la mort de mon père a précipité les choses. Et le fait est aussi que même alors, je n’ai pas compris ce qui se passait. Ma mère a rapidement développé ce que j’ai appelé, par dérision, un "syndrome de Cosette". En clair, après la disparition de mon père, elle s’est mise à vivre "pauvrement" - tout du moins dans la représentation qu’elle s’en faisait : un p’tit yaourt et une p’tite soupe lui suffisaient pour vivre, elle n’avait besoin de rien d’autre, sa p’tite retraite suffirait pour payer son enterrement, c’est tout ce qui comptait. Aux mots "notaire", ou "succession", elle fonçait sous sa couette, et ne voulait pas en entendre parler (d’où quelques méchancetés très dures sur le fait que cela semblait tant m’intéresser, sans aucune considération pour les obligations légales qui lui incombaient - la déclaration de succession doit intervenir dans les six mois du décès - et que j’avais prises en charge à sa place... ) J’ai même entendu, un jour, cette phrase surréaliste : "Ce n’est tout de même pas ma faute si ton père avait des sous..."

En réalité, je crois aujourd’hui que ma mère était en plein "marchandage". Quelque chose comme : "si je me conduis en pauvresse, alors je suis vertueuse, et si je suis vertueuse, Dieu me préservera de la démence."

Ma mère y a perdu 10 kilos (les esprits cyniques pourraient recommander le régime "Cosette" à tous ceux qui ont des problèmes de poids...), et 5 kilos supplémentaires sont partis quand elle a commencé à déambuler de façon si impérieuse qu’il n’y avait plus moyen de la tenir à table le temps de son repas.

Mais avec le recul, je trouve assez fascinant qu’elle ait trouvé, dans son cerveau défaillant, cette certitude qu’un vieux nécessiteux est moins *coupable* qu’un vieux riche, et qu’elle ait ainsi "marchandé" sa descente aux Enfers.

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