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En réponse à :

Alzeihmer

, par Michel

Bonjour, Corine.

Je comprends ce que vous expliquez. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider autant que je le voudrais.

Certes, le diagnostic de maladie d’Alzheimer est souvent posé par facilité. Les médecins le posent parce qu’ils ne connaissent pas bien cette pathologie ; ils le posent aussi parce que cette maladie est de loin la cause la plus fréquente de démence. On vous a posé cette question sur la dépression :
- Parce qu’une dépression peut prendre l’aspect d’une démence.
- Parce que la démence est une bonne occasion de déprimer.
- Mais surtout, je pense, parce qu’il y a des éléments pour dire que la dépression est un facteur favorisant.
Peu importe : cela ne nous donne aucun moyen d’action.

Depuis cette question, je me suis rendu compte, que les médecins eux-mêmes n’étaient pas sûrs de leur diagnostic.

En effet : le diagnostic de démence est purement clinique, et on n’a jamais de preuve ; on a simplement des certitudes plus ou moins fortes.

Ce que vous racontez ensuite est que votre père avait surtout des troubles du langage. On décrit une maladie appelée syndrome de Mesulan, ou aphasie primaire progressive, qui pourrait correspondre (oh, n’oubliez pas que je parle d’un malade que je n’ai pas vu). Il semble que dans cette maladie les troubles cognitifs soient moins importants (avec l’obstacle du trouble du langage, qui ne permet pas de les explorer si bien que ça). Mais voilà : je n’en ai pas vu beaucoup, mais je reste à penser que ce syndrome n’existe pas vraiment, et que ce n’est qu’une forme un peu particulière de démence de type Alzheimer ; on revient donc à la case départ.

Notons aussi qu’en 2012 votre père avait moins de 65 ans. C’est tôt pour une démence de type Alzheimer ; d’un autre côté si c’en est une elle est d’évolution lente.

Aucune prise de sang entre temps, ni d autres examens corporels pour investiguer. Juste scanner pour voir ce qui touche le cerveau.

Je n’aurais rien proposé d’autre.

Depuis, le diagnostic de l’Alzheimer à un peu changé, on parle de démence vasculaire et de démence aphasique.

La démence vasculaire est possible, en effet. Mais c’est sans importance : c’est un réflexe médical un peu pavlovien que de l’évoquer quand un dément a des troubles vasculaires ; non seulement cela ne donne aucun moyen d’action mais il faut se souvenir que la démence de type Alzheimer est aussi fréquente chez le sujet vasculaire que chez celui qui ne l’est pas (s’il en allait autrement on serai acculé à dire que les maladies vasculaires protègent conte la démence de type Alzheimer.

Suite à l’opération, papa est devenu agressif, il n était plus gérable.

L’agressivité du dément est toujours réactionnelle ; c’est un mode défensif face à une situation qu’il ne comprend pas ; le cas le plus classique est celui des incivilités : dans la vie courante nous ne prenons pas toujours beaucoup de précautions pour nous parler, parce que le contexte de notre conversation permet à notre interlocuteur de ne pas se tromper sur nos intentions ; le dément, lui, perd cette capacité de décryptage, et ne perçoit que l’incivilité, etc.

Mais… nous verrons plus bas.

Il a été hospitalisé et assommé de médicaments. Je me suis battue seule, pour qu’on diminue les dosages.

Je sais cela. Le problème est que les médecins ne sont pas toujours affûtés pour s’occuper de ce type de malade, et que les conditions de vie dans un service standard permettent rarement une prise en charge adaptée ; les sédatifs, ça aide.

En vivant avec papa, H24, je me suis rendu compte qu’il comprenait encore beaucoup de choses,

Bien sûr ! La démence n’est pas uniforme, et il persiste longtemps de grandes plaques où la pensée est encore très performante ; d’où la difficulté. Ce qui fait le danger c’est l’incapacité de faire face à l’imprévu.

Par contre, dès que quelque chose n allait pas, il élevait d un coup la voix et était très agité. Je me suis rendu compte que papa avait depuis le début de son opération, de fortes douleurs aux jambes.

Ce n’est pas très fréquent en post-opératoire ; mais vous avez parfaitement compris, et chez le dément l’agitation est un signe très fidèle de douleur.

Ensuite, il a recommencé à devenir agressif, par moment, je me suis sentie perdue. Je n arrivais plus à déchiffrer ce qui n allait pas. J ai donc redemande des médicaments au médecin traitant. J ai tenu encore 2 mois.

C’est tout le problème : on ne comprend pas toujours. Et vous risquez de vous épuiser.

La suite de votre récit est malheureusement assez classique, et c’est la raison pour laquelle on n’aime pas hospitaliser ces malades. Ne soyez pas trop dure toutefois : je ne compte plus les situations où j’ai vu des malades arriver sur les deux jambes et repartir en chaise roulante sans que j’y puisse rien. C’est terriblement culpabilisant et désespérant.

Je sais qu’actuellement il ne prend plus de calcium, alors qu’il avait un grand déficit.

J’ai toujours pensé que le plus souvent le calcium avait plus d’inconvénients que d’avantages. Je n’en ai pratiquement jamais prescrit.

Un radiologue m’avait dit qu’il avait un goitre lors d un examen. J’en ai parlé au médecin qui m’a dit à l’époque qu’il ne voyait rien dans la prise de sang.

C’est donc un goitre qu’il faut laisser tranquille.

On ne veut pas déranger mon papa. J’ai vu deux ou trois médecins en quelques mois, aucun ne veut faire d’examens supplémentaires.

Pour eux, on ne fait plus rien vu qu’il a l’Alzheimer et que son état se dégrade.

Il faut distinguer trois choses :
- Je n’aurais pour ma part aucun examen à proposer.
- L’Alzheimer n’est pas en soi une raison de limiter les soins.
- Mais il rend les choses plus compliquées et plus aléatoires.

Vous décrivez ensuite un traitement par neuroleptique retard. C’est effectivement très dommage, mais a-t-on un autre choix ? Pas toujours, hélas.

Je reste persuadée que papa n’a pas la maladie d’Alzheimer. Papa comprend et se rend compte de son état.

Je voudrais de tout cœur pouvoir vous soutenir dans cette conviction. Malheureusement, et si je m’en tiens à votre propre description, la démence reste la seule hypothèse plausible ; les seules choses en débat sont de savoir si le mécanisme est dégénératif ou vasculaire, si le syndrome de Mesulan existe en soi, s’il y a une dépression surajoutée, et si les traitements peuvent être allégés ou suspendus.

Ce qui vous trompe c’est l’idée fausse que vous vous faites de la démence ; longtemps les déments savent parfaitement que quelque chose ne va pas ; et longtemps ils conservent d’immenses plages de savoir et de mémoire.

Donc je suis persuadée que papa à un cerveau qui comprend tout ce qui se dit, écoute et voit tout ce qui se passe autour de lui, mais que dès qu’il veut commander son cerveau, de faire telle ou telle chose, tout va de travers.

C’est exactement cela (enfin, sur le mot « comprendre », je serais un peu plus réservé ; mais passons). Mais je ne comprends pas le lien avec ce qui suit :

Papa est prisonnier de son corps.

S’il est prisonnier de quelque chose, c’est de son cerveau.

je sais aussi qu’à certains moments de la journée le médicament est plus à un pic et là, le regard de papa est vide... il a beaucoup de mal à se concentrer et entendre ce que je dis, mais en insistant un peu, il revient à lui.

C’est ce que tous les accompagnants savent bien. J’aurais cependant une petite réserve, mais qui tient au fait que je ne connais pas le détail du traitement. Si votre père est traité par neuroleptique retard, il n’y a par définition pas de pic. Mais peut-être y a-t-il un autre médicament en cause.

Je ne peux pas vous donner de conseils, car j’ignore trop de choses. En l’état je n’ai pas de raison de penser que la prise en charge de votre père aurait été mauvaise ; je n’aurais pas envisagé d’examens supplémentaires ; j’aurais probablement validé le diagnostic de démence ; et je sais bien que malheureusement je n’aurais peut-être pas su ou pu faire mieux dans la gestion des troubles du comportement. Ce qui vous arrive est sinistre, mais c’est bien souvent à cela que nous sommes condamnés.

Prenez soin de vous, Corine. Dans ces situations l’épuisement guette toujours.

Quant à un lieu spécialisé, il n’y en a guère, sauf certains établissements pour personnes dépendantes qui ont consenti un effort particulier pour la prise en charge ; c’est là que les techniques de type « humanitude », même s’il n’y a pas qu’elles, donnent les résultats les plus brillants. Mais je n’en dis pas plus car quelques indices me laissent supposer que peut-être vous n’habitez pas en France.

Bien à vous,

M.C.

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